Fiche de Synthèse : La croissance économique et l'emploi

 


I. LA CROISSANCE ECONOMIQUE ET L'EMPLOI

La notion de marché du travail est abstraite, théorique et macro-économique mais elle nous permet de penser, au niveau de l'économie, le problème de l'ajustement entre l'offre et la demande de travail (qui se déterminent de manière indépendantes) ainsi que les évolutions majeures de ce marché: la précarité et la flexibilité croissante. Si dans ce marché du travail, l'offre est supérieur à la demande, c'est le chômage. Si la demande est supérieure à l'offre, il y a pénurie de main-d'œuvre Il résulte de ce marché du travail (pour les libéraux) un prix, le salaire.

Quel est le lien ente croissance économique et emploi ?
Hausse du PIB > Hausse de l'emploi > Baisse du chômage.
Intérêt : Différences au niveau de la politique économique.
Keynésiens: politique de relance de la demande.
Libéraux: politique de l'offre (favoriser les profits, la rentabilité).

Il existe une corrélation très forte entre la croissance du PIB et les variations de l'emploi. Quand la croissance et positive est forte, on crée beaucoup d'emplois. Quand il y a récession, on détruit massivement des emplois. Et quand la croissance se ralentie, on crée de moins en moins d'emplois. Cette corrélation semble logique. En effet, croissance économique signifie « produire plus ». Or, pour produire plus, il faut accroître les capacités de production (donc investir: hausse de la FBCF) et utiliser d'avantage de main-d'œuvre (création d'emplois).
Sauf qu'il n'y a aucun rapport de proportionnalité. Une augmentation de 1% du PIB n'entraîne pas une augmentation de 1% du nombre d'emplois créés. De plus, un même volume de croissance n'a pas le même effet sur l'emploi. On dit que la croissance est plus ou moins riche en emplois. Les Etats-Unis par exemple, avec une croissance moindre, créent 3 fois plus d'emplois que la France.
Si le lien entre croissance et emplois est robuste, ce lien est donc également complexe. La croissance est plus ou moins riche en emplois selon le niveau des gains de productivité. En effet, la croissance économique peut s'obtenir soit de manière intensive (en utilisant d'avantage de capital et de travail) soit de manière extensive (en utilisant plus efficacement le capital et le travail). De ce fait, si le PIB s'accroît et que la productivité se maintient, l'emploi progresse. Et inversement, si le PIB s'accroît et que la productivité globale du travailleur s'améliore elle-aussi, l'entreprise emploiera le même volume de travailleur et ne créera donc pas d'emplois supplémentaires.

Entre 1986 et 1989 par exemple, les gains de productivité ont été 3 fois plus élevés en France qu'aux Etats-Unis. Conséquence, à croissance égale, la France a créé beaucoup moins d'emplois que les Etats-Unis. En effet, Croissance : France TCAM +3,6% – Etats-Unis +3,2% ; Gains de productivité : France TCAM +2,8% – Etats-Unis +0,9% ; Emploi : France TCAM +0,8% – Etats-Unis +2,3%.
Comment peut-on enrichir le contenu en emploi de la croissance ?
Depuis 1990, la France a enrichi le contenu en emploi de sa croissance en ayant recours à la réduction du temps de travail (35 heures) et à d'avantage de flexibilité (flexibilité des emplois). Désormais, à partir du seuil de +1,5% de croissance économique, la France crée des emplois. Le lien croissance / emploi n'est donc compréhensible que si l'on fait intervenir la notion de gains de productivité.
On a vu précédemment qu'une hausse du PIB entraîne une hausse du niveau de l'emploi (avec l'intervention de la notion de gains de productivité).
Mais la croissance permet-elle de résorber le chômage ?

Si la croissance crée des emplois, on peut s'attendre à ce que le chômage diminue. Malheureusement, 1000 emplois créés, ce n'est pas 1000 chômeurs en moins.
Pourquoi ?
1. Tout va dépendre des variations de la population active (durée de la scolarité, accroissement naturel, âge de la retraite...).
2. Lorsque l'on crée des emplois, on assiste au retour à l'activité de personnes qui jusque-là étaient inactives (personnes qui étaient dissuadées, découragées de se porter sur le marché du travail).
3. Une partie des chômeurs est devenue inemployable (notamment les chômeurs de longue durée). Il n'y a donc pas de lien mécanique entre création d'emplois et diminution du chômage.

 

II. FLEXIBILITÉ ET PRÉCARISATION DES EMPLOIS

Une des façons d'enrichir en emploi la croissance, c'est de développer diverses formes de flexibilité. Mais qu'est-ce que la flexibilité ? La flexibilité est apparue fin 70 – début 80 dans les pays anglo-saxons. La flexibilité, c'est le courant libéral, la théorie néoclassique. Ce que voudraient rendre flexible les libéraux, c'est le travail (qui est pour eux une marchandise): le temps de travail, le contrat de travail, les salaires, la protection sociale (couverture des risques sociaux), etc... Ce que contestent les libéraux, c'est que tous ces points ci-dessus fassent l'objet de convention, de réglementation. Pour eux, il faut laisser agir le marché (marché où doit régner la libre concurrence) et l'État doit seulement veiller au bon fonctionnement du marché, veiller à ce qu'il n'y ait pas d'entrave à la libre concurrence: salaire minimum, temps de travail imposé, pouvoir des syndicats...

La flexibilité prend différentes formes.
1. Flexibilité quantitative externe: il faut être capable de rendre flexible le volume de travail (nombre de travailleurs) en fonction du volume de la production. Il faut donc rendre flexible le contrat de travail: CDD, Intérim...
2. L'externalisation: transférer certaines activités à d'autres entreprises, à rendre externes certaines activités qui auparavant étaient internes à l'entreprise (ex: activité de nettoyage).
3. Flexibilité quantitative interne: faire varier le volume de travail en fonction du volume de la production mais avec le même personnel (pas de CDD, d'intérim). Comment ? Recours au temps partiel, aux heures supplémentaires mais surtout à l'annualisation du temps de travail (1800 heures de travail répartie sur l'année en fonction des besoins).
4. Flexibilité salariale: individualiser les procédures de fixation du salaire. (2 manières : au recrutement, lors de la signature du contrat de travail en fonction de l'offre et de la demande ; faire varier le salaire en fonction des résultats de la personne). 5. Flexibilité fonctionnelle: faire varier la nature même du travail > polyvalence. Faire en sorte qu'un salarié puisse occuper des fonctions différentes.

Quand on parle de la flexibilité sans autres précisions, il faut l'entendre sous la forme du modèle anglo-saxon de flexibilité (USA – Grande-Bretagne) : Flexibilité quantitative externe, externalisation, flexibilité quantitative interne, flexibilité salariale. Depuis 20 ans, le recours à la flexibilité du travail s'est massivement développer dans les pays occidentaux. Mais, quelles ont été les conséquences de ce développement de la flexibilité sur l'emploi ?
1. Les effets sur la création d'emplois. Les pays qui ont eu recours à une politique de flexibilité de l'emploi (les Etats-Unis entre autres) présentent des bilans très flatteurs sur le plan de la création d'emploi et de la lutte contre le chômage. Mais est-ce que ces « bons résultats » sont dus à la flexibilité ? Non, du fait que la croissance économique a été forte et qu'elle a permis de créer de nombreux emplois. Sans les politiques de flexibilité, il y aurait quand même eu création d'emploi. Oui car la création d'emplois n'aurait pas été aussi forte sans la flexibilité. La Preuve : Grande Bretagne = flexibilité maximum. 92 : chômage équivalent à la France. 98 : Grande-Bretagne – Taux de chômage 5,6% ; France – Taux de chômage 12%. La flexibilité permet donc bien d'enrichir le contenu en emplois de la croissance. Autre exemple : Entre 1980 et 1997, les Etats-Unis ont créé de manière nette 27 millions d'emplois, tout ceci dans un contexte de grande flexibilité : pas de protection sociale, pas de convention collective et un salaire minimum de seulement 3 $.
2. Ce qui semble indiscutable, c'est que la flexibilité a été créative d'emplois. Ce qui est discutable, c'est la proportion d'emplois créer et surtout la nature des emplois crées. > En effet, en même temps que s'est développé la flexibilité, on a assisté à une précarisation des emplois (= une instabilité des emplois portant sur la durée). Exemples d'emplois précaires: CDD, intérim, temps partiel subi. Dangerosité de ces emplois: salaire faible (surtout dans les pays où il n'y a pas de SMIC), aucune couverture sociale la plupart du temps, pas de conventions collectives, des accidents du travail plus nombreux, pas de perspectives de progression, d'évolution dans la hiérarchie. Qui occupent ces emplois ? Majoritairement les jeunes, les femmes et les travailleurs étrangers, immigrés.

Quel bilan présente la flexibilité ?
1. Sur le plan économique. La flexibilité est créatrice d'emplois, mais on observe qu'elle entraîne une précarisation des emplois. La flexibilité a ainsi eu un impact sur le fonctionnement du marché du travail. En effet, le développement de la flexibilité a entraîné une véritable segmentation du marché du travail avec d'un côté les emplois bien payés et de l'autre les emplois dans les services et les industries occupés souvent par des minorités, les emplois précaires. On se retrouve alors en présence d'un marché du travail à deux vitesses, comme c'est le cas aux Etats-Unis où le salaire réel moyen a chuté de 10% entre 73 et 97. Pour les entreprises: Les entreprises sont les grandes bénéficiaires de ce développement de la flexibilité, car cela leur permet de réduire leurs coûts salariaux, d'accroître leur pouvoir sur les salariés (affaiblissement des syndicats car pas de travailleurs stables) et d'imposer plus facilement une organisation du travail dans leur intérêt. Mais le développement de la flexibilité possède un inconvénient majeur: la difficultés d'intégration des travailleurs dans l'entreprise. Avec la flexibilité, il n'y a pas de « fidélité » à l'entreprise et les salariés vont être moins productifs. Pour intéresser ses travailleurs, il va falloir les payer plus (notamment les cadres). D'où apparition du salaire d'efficience. Mais cela ne concerne qu'une partie minime du salariat.
2. Sur le plan social. Le développement de la flexibilité, qui n'affecte qu'une partie du salariat, entraîne une coupure croissante entre les salariés et les autres. Le développement de la flexibilité a entraîné des clivages au sein même des salariés. En effet, une partie du salariat à tendance à s'appauvrir (c'est notamment le cas aux USA avec les « working poors », ces employés qui ont un emploi mais dont le salaire ne suffit pas à garantir le minimum social). Là où la flexibilité est fortement installée, les inégalités sociales sont donc très importantes. Aux Etats-Unis par exemple, 35 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et 40 millions de personnes ne bénéficient pas de couverture sociale. La flexibilité possède donc également toute une dimension politique et sociale.